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De Toulon à la Turquie, quel bilan pour une polémique ?

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Plusieurs contributeurs de ce blog l’ont écrit (Vincent Soulage, Philippe Clanché, René Poujol, Patrick Pique), de nombreux chrétiens de gauche ont été choqués par l’invitation du FN dans un débat du diocèse de Toulon. Plus largement, un débat avec une forte charge affective s’est ouvert sur le sujet, avec des positions variées. Les commentaires l’ont bien montré, y compris ceux, méprisants, de certains visiteurs à l’évidence proches de l’extrême-droite. Vincent Soulage tente de dresser les 6 enseignements de cette polémique qui résonne avec les questions migratoires à la une.

Photo du débat publié par l’OSP.

Ayant soulevé le lièvre de cette invitation, La Vie (article accessible seulement aux abonnés) a fait un premier bilan dans son édition hebdomadaire. Petit complément en 6 éléments.

  1. Mgr Rey, évêque provocateur

Tout d’abord, celui par lequel le scandale arrive, Mgr Rey, confirme qu’il est bien le poil à gratter de l’épiscopat français sur son versant réactionnaire. De façon désormais habituelle, il suscite l’enthousiasme des conservateurs/identitaires et la colère des progressistes/conciliaires[1]. Il séduit même au-delà de la droite catholique. On aimerait qu’un autre évêque soit aussi provocateur sur des positions progressistes ; Gaillot le fut en son temps, mais il a été sanctionné (tout en étant reçu par le pape cette semaine, ce qui est bon signe).

  1. Des réactions sans surprise

Globalement, chacun est resté sur des positions prévisibles. A droite, il semble évident que, puisque c’est un parti légal et qui remporte un nombre important de suffrages, le FN doit participer au débat démocratique. On ne peut nier cette réalité (même si beaucoup ont des arrières-pensées électoralistes). Inversement, pour les militants ayant une culture de gauche, le FN (et son idéologie du rejet de l’autre) doit rester un parti à part dans le jeu politique, et reste infréquentable. Cette vision d’un nécessaire « cordon sanitaire » semble très majoritaire sur ce blog. Mais une bonne part de l’opinion catholique (incluant des gens de droite comme de gauche) est hésitante ou interrogative sur l’attitude à tenir face au FN.

  1. Une défiance généralisée

Je dis bien face au FN car, 3ème constat, la défiance à son encontre est l’attitude générale des catholiques engagés dès qu’on s’écarte des milieux les plus conservateurs. Cela a un côté rassurant. Mais ils sont aussi nombreux à refuser la polémique car le comportement habituel des partis a échoué : ni le cordon sanitaire de la gauche (et son pendant électoral le « Front républicain ») ni le siphonage idéologique par Sarkozy (dite stratégie Buisson ou de droitisation) n’ont durablement fait baisser le score du FN. Comme l’a bien expliqué Philippe Clanché (« Les cathos face aux Le Pen : parler avec l’ennemi », l’article complet sur le blog de l’auteur)

Il est plus que temps de s’attaquer à la question suivante : comment agir pour que les catholiques ne cèdent pas à la sirène frontiste, bien plus agréable et policée que son tempétueux grand-père ?

  1. Des amalgames inévitables

Beaucoup d’expressions formulées sur des médias numériques, à commencer par l’article initial de La Vie, se sont inquiétées des risques d’amalgame. Heureusement pour nous, la presse généraliste s’est peu fait l’écho de l’invitation, et les raccourcis du genre « les cathos se rapprochent du FN » ont été finalement limités. Reste que, dans l’opinion catholique, le risque est très grand qu’on ne retienne qu’une légitimation du vote FN, à rebours de ce que dit l’Eglise depuis longtemps. En spécialiste, René Poujol s’est interrogé sur ce qui est au mieux une erreur de communication (« Maréchal… vous voilà ! », l’article complet sur le blog de l’auteur).

Là où Mgr Rey et ses proches plaident le principe de réalité – le vote catholique grandissant pour le FN – il y a fort à parier que l’opinion lira l’affirmation d’une conviction : on peut être bon catholique et faire ce choix-là. Ce qu’il fallait donner à penser !

  1. L’Eglise doit réaffirmer sa position face au FN

Le seul aspect finalement positif de cette histoire, c’est que l’Eglise catholique a été amenée à répéter (encore timidement) son argumentaire face au FN, à l’exemple de la déclaration de Mgr Olivier Ribadeau-Dumas. Face à l’importance de ce problème, on peut espérer qu’elle ne se contentera plus de laisser parler certains évêques en pointe sur le sujet (comme Mgr Mabille, cité abondamment par Philippe Clanché) mais qu’une vraie parole forte finira par être posée.

  1. L’étranger au cœur des préoccupations catholiques

D’ores et déjà, on peut se satisfaire que l’épiscopat n’ait pas du tout mis en avant les sujets sociétaux : mariage homosexuel, droit à l’IVG, euthanasie… ces points soi-disant « non-négociables » que les conservateurs utilisent pour essayer de (ré)ancrer à droite le vote des catholiques autour d’une Manif pour Tous artificiellement prolongée. Patrick Pique explique bien (J’aime la liberté, à lire sur son blog) :

Il est vrai que l’encyclique du pape François qui est au cœur des travaux des Assises de Saint-Étienne a pu décevoir les milieux réactionnaires, traditionalistes, conservateurs, identitaires – d’une façon générale les adorateurs des pseudos points non négociables de Benoit XVI – qui n’ont pas retrouvé leurs petits dans « Loué sois-Tu« .

Bien au contraire, c’est la question de l’accueil de l’étranger qui est mis en avant par les évêques, position renforcée par les dernières interventions pontificales. L’actualité ne fait que relever encore plus cette singularité du discours catholique au sein de la société française et européenne.

Pour aller plus loin

En 2012, les Editions de l’Atelier ont publié Extrême-droite : pourquoi les chrétiens ne peuvent pas se taire, co-écrit par le P. Jacques Turck (secrétaire de la commission sociale de l’épiscopat) et Etienne Pinte (député-maire UMP de Versailles, pas un gauchiste donc). Le livre avait fait l’objet d’un échange sur RCF (dans l’émission Le temps de le dire de Stéphanie Gallet) auquel j’avais participé.

[1] J’essaie de prendre ici des termes qui permettent au lecteur non familier de bien identifier les courants en question. Que ceux qui n’apprécient pas ces termes ou les considèrent comme péjoratif m’en excusent, mais ce sont ceux du langage courant.



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