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Quand l’Eurovision parle de religion (si, si, en cherchant bien)

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Le week-end dernier, pour une fois, la France n’a pas fini cette dans les profondeurs du classement du concours Eurovision de la chanson. Mais si Vincent Soulage souhaite en parler, c’est plus parce que, même là, on retrouve quelques traces de notre histoire religieuse européenne et de l’exception française. Bien qu’on les considère comme largement sécularisées, nos sociétés européennes restent marquées par la présence du religieux, jusque dans des éléments de la culture populaire. A nous de savoir les identifier.

 

Je ne suis ni spécialiste ni même un fan du concours Eurovision de la chanson dont les concurrents sont, avouons-le, plus connus pour leur excentricité (comme une ridicule saucisse à barbe) que pour leur (piètre) qualité musicale. On peut facilement trouver sur le web un florilège des pires candidats. Le concours fait parfois aussi l’objet de débats géopolitiques. La victoire, cette année, d’une candidate ukrainienne issue des populations tatares de Crimée[1] sonne comme une défiance voire une revanche face à la Russie favorite.

Un candidat franco-israélien

La France avait fait le choix d’une certaine qualité[2] avec Amir Haddad. Son patronyme très marqué, son origine nord-africaine, sa nationalité franco-israélienne… tous les ingrédients d’une polémique, mais celle-ci n’a pas eu lieu. Certainement,  y aura-t-il des endroits où l’on entendra dire que décidément les juifs sont partout, et notamment dans les médias. En surfant, on trouvera bien quelques sites internet pour dénoncer cette sélection jugée mal assortie à la culture et à la tradition française.

Amir Haddad à l'Eurovision 2016

Amir Haddad au concours Eurovision 2016. Source wikimédia.

Cependant, ce n’est pas ce débat qui a pris dans la sphère publique (ou je ne m’en suis pas aperçu) mais le problème posé par la présence de quelques phrases en anglais dans sa chanson. Peut-on y voir le signe encourageant que l’antisémitisme est confiné dans des secteurs très minoritaires de la société ? C’est sans doute aller un peu vite.

Une croix de Taizé en direct

J’avais été frappé, en 2010, par la victoire de Lena Meyer-Landrut. Non pas tant par le fait que la chanson n’était pas (pour une fois) insipide, mais par le fait que la  concurrente allemande, lors de sa prestation devant des téléspectateurs de toute l’Europe, arborait  une croix de Taizé. Heureusement que la télévision française ne s’en est pas tout de suite rendue compte sinon il aurait peut-être fallu interrompre la retransmission… pour cause de neutralité du service public.

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Lena Meyer-Landrut à l’Eurovision 2010, avec sa croix de Taizé bien visible sur cette capture d’écran de France 3.

Trêve de plaisanterie, la candidate a bien osé porter publiquement un symbole religieux explicite. Certes, il renvoie à une communauté qui prône l’œcuménisme et qui est populaire dans une Allemagne où se côtoient protestants et catholiques. Mais face aux quelques interrogations suscités par son comportement, la jeune fille a clairement choisi d’assumer ses convictions. Elle a d’ailleurs récidivé l’année suivante alors qu’elle représentait la RFA pour la seconde fois (avec moins de succès). Rien de cela n’aurait été possible dans notre très laïque France.

Une fille d’un (ex-)prètre

Cette année, c’est la candidate néerlandaise qui aurait du attirer notre attention. Trijntje Oosterhuis est en fait la fille du théologien catholique (et ancien jésuite) Huub Oosterhuis (voir sa fiche wikipédia en néerlandais). Ce prêtre avait été en pointe dans les actions progressistes menées par une partie du clergé des Pays-Bas juste après Vatican II. Les anciens se rappelleront de l’affaire du catéchisme hollandais, jugé trop progressiste et finalement condamné par le Vatican. Faute d’avoir pu obtenir l’abandon du célibat obligatoire pour les clercs, il a fini, comme tant d’autres, par quitter le sacerdoce sans renoncer pour autant à sa foi.

Trijntje Oosterhuis

Trijntje Oosterhuis, image wikimédia

Si la fille d’un prêtre défroqué avait représenté la France, gageons que des journaux en auraient parlé d’abondance : à gauche pour s’en féliciter, à droite pour le dénoncer, les people pour vendre. Rien de tout cela aux Pays-Bas, autre pays biconfessionnel qui semble vivre la sécularisation plus simplement que nous.

Un groupe de religieuses

Enfin, pourrait-on imaginer en France que le groupe « les prêtres » soit notre candidat officiel ? C’est tout simplement impensable (la simple présence de leurs affiche dans le métro ayant fait polémique). Mais pas à Malte qui a failli présenter rien de moins qu’un groupe de religieuses Ursulines (à lire sur le blog jeunes-vocations et La Croix). On regrette juste qu’elles aient été battue en finale nationale.

Le petit archipel maltais est souvent évoqué dans les médias pour sa position géographique entre la Tunisie et la Sicile (donc entre l’Afrique et l’UE), au cœur des flux migratoires illégaux. On dit moins souvent qu’il fait partie des quelques états européens à avoir conservé une « religion d’Etat », en l’occurrence le catholicisme, dans lequel se reconnait 98% de la population. Il n’en fait pas moins pleinement partie de l’Union Européenne où cette situation n’est pas critiquée dès lors que la liberté religieuse est effectivement respectée. A travers ce « presque choix » pour l’Eurovision, Malte assume que le catholicisme fait partie de son identité nationale, mais un catholicisme bien plus culturel que religieux (nul prosélytisme dans la chanson choisie).

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Photo DR, source La Croix.fr

Ceux qui suivent mieux que moi le concours Eurovision de la chanson pourraient sans doute trouver encore d’autres exemples. Mais ces quelques éléments disparates et discrets nous permettent quand même de mesurer qu’en dehors de la France, une présence publique du christianisme est très bien tolérée. Et que, si on les a bannies du préambule de la constitution, les « racines chrétiennes de l’Europe » restent bien présentes dans la réalité.

 

[1] Cette population d’origine turque et majoritairement musulmane a été déportée sous Staline. Plus récemment, la quasi-annexion de la Crimée par la Russie a encore complexifié la situation.

[2] Même si elle n’égale pas, pour moi, la drolissime chanson des Fatals Picards en franglais de 2007, relégué à la 22e  place.



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